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Décryptage: Elections législatives Les rafales de la CENI

Un expert de la CENI vient d’expliquer comment l’institution électorale travaille sur le terrain. Elle travaille par rafales, dit-il en toute confiance. Lamarana Diallo décode les tirs.

Ce qu’on observe au quotidien ressemble plutôt à une approche par à-coups que l’on peut décrire comme suit : deux camions montrés de profil à la télévision en position de « départ » pour l’intérieur du pays ; des formulaires remplis et remis partiellement aux citoyens ; des points de recensement montés dans les centres urbains sans cartographie précise ; des contestations de marques et de coûts de motos de supervision à Conakry et Kouroussa ; des arriérés de paiement de primes des agents partout dans le pays; des va-et-vient hiérarchiques de machines à recenser non fonctionnelles entre Ninguélandé, Pita et Mamou à des fins de réparation hypothétique; des équipes de recensement attendues en vain aux bords du fleuve Kakrima du côté de Lélouma ; des superviseurs aux ordres contradictoires et des agents recenseurs quasi-analphabètes; une désorganisation notoire des foules à enrôler; de la lenteur, de l’impatience et de la nervosité à revendre ; une absence totale d’affiches instructives sur le processus de recensement ; une information et une sensibilisation insuffisantes des populations.

Face à chaque cas d’espèce et dans une confusion généralisée, les agents recenseurs inventent des réponses au gré des circonstances et à la tête du client. Faute de normes et procédures administratives pour les guider, ils se débarrassent des questions qui les assaillent sans aucun souci de sincérité. Aussi, rejettent-ils par endroits et par erreur, les certificats de résidence délivrés par les chefs de quartier et de secteur. Selon eux, seuls les volets de papier tirés de carnets envoyés comme palliatifs par la CENI seraient valables. Or ces car-nets s’épuisent aux premières heures des journées de recensement laissant insatisfaits plusieurs besoins de régularisation chez les citoyens. Pire, ces fiches seraient entrain d’être revendues à 10.000 GNF aux plus pressés dans certains coins reculés de la capitale ! Les soupçons de sabotage sont partout. Voilà à quoi ressemblent les rafales de la CENI en quelques lieux du pays. Il reste à savoir si la situation est différente au-delà des périmètres couverts par ces échos préélectoraux. De toutes les façons, elle est de retour, la CENI telle que les Guinéens, l’ont connue et douloureusement pratiquée depuis longtemps. Cette fois-ci en version « Salif Kébé », un autre Président qui opère dans un silence lourd et une distance pudique marqués par une improvisation farouchement contrôlée.

En réponse, les formations politiques tirent des « rafales hebdomadaires » à qui mieux mieux et chacun à partir de son siège en direction du peuple mobilisé de Guinée. Chacune d’elles y va de ses ambitions électorales démesurées et de ses limites sérieuses en matière de communication. Aux quatre points cardinaux de Conakry et dans une synchronie d’appels à la prière musulmane, leurs responsables disent en choeur : « Allez-vous enrôler !». Même si cela aurait été dit par hasard, de nombreux militants ne savent pas encore que tout le monde, sans exception, est appelé devant la machine à recenser. Les spéculations et interprétations vont bon train au détriment d’un fichier actualisé et assaini. Pour certains, ils avaient été recensés « la fois passée » et n’auraient pas besoin d’un nouvel enrôlement ; pour d’autres les fiches récemment distribuées par la CENI tiennent lieu de cartes électorales sinon y donneraient accès, le moment venu. Dans de nombreux sites, le travail n’aurait d’ailleurs pas commencé. Les machines à recenser seraient « là-bas », à l’horizon du côté administratif le plus hiérarchiquement lointain.

On se demanderait à quoi servent les conseils communaux et les maires de toutes obédiences trônant sur des conseils de districts et de quartiers plus âgés qu’eux et auxquels on n’hésite pas à attribuer une neutralité insaisissable sinon mouvante. A ce stade, tout ce monde d’élus locaux devrait relayer les vraies informations sur le recensement et répondre aux interrogations et angoisses des populations. C’est du moins ce qu’on peut croire dans les coins informels de vigilance sur le recensement électoral. Le contexte général semble fortement pollué sur fond de préoccupations diverses. En ville, les citadins vivent au rythme des dates de manifestations confondant la fougue des marches populaires à la fécondité politique des mobilisations urbaines. A cet égard, personne ne semble se soucier des rendements sauf en termes de popularité immédiate. Les certitudes s’affichent de tous côtés dans un mouvement giratoire d’illusions que seul le vote du 16 février pourra dissiper.

Cette date serait elle-même soumise à quelques incertitudes. C’est ce qu’on dit par expérience récente, dans les centres urbains. En campagne les préoccupations paysannes sont aux récoltes qui seraient bonnes cette année 2019. Les esprits sont très loin des soucis électoraux. Les priorités s’appellent séchage de grains, remplissage de greniers et goûters de repas aux odeurs agréables de la saison. Toute autre occupation ne serait qu’une sorte de trouble-fête venant perturber la tranquillité villageoise. A ce moment d’abondance, les paysans n’ont pas beaucoup besoin de leurs parents des villes. La période de soudure est passée. Le riz importé redevient fade le temps de la saison sèche. Il suffit d’un tour de ménagère dans les maraichers pour faire une bonne sauce sans les huiles et condiments envoyés, par moments, des cités. Si les partis politiques ne font pas attention à ces détails de saison, nombre de militants feront faux bond aux cartes électorales. Les manifestations urbaines n’y peuvent rien.

En raison de petites négligences stratégiques de terrain, les électeurs pourraient être en petits effectifs là où on les croirait potentiellement nombreux. Siguiri semble épargnée de cette calamité électorale grâce au Président de la République qui prédit sa population plus nombreuse que partout ailleurs incitant ses habitants à se faire recenser massivement dans un discours d’orientation magistralement militant. Cette prescription présidentielle pourrait guider les réflexes dans les autres fiefs électoraux. Ainsi, chacune des listes de candidatures potentielles compterait sur un trop plein de voix dans une répartition soudainement reconstruite de la population en âge de voter. Par instructions croisées au plus haut niveau des conglomérats politiques. Une orientation du Chef de l’Etat aurait ainsi servi sans discrimination toutes les mouvances en cette saison électorale mouvementée. Cela dépend de sa bonne interprétation et de sa prompte application en dehors des passions partisanes habituelles.

Par Lamarana Diallo
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