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Gratuité des services de planification familiale dans les formations sanitaires publiques de Guinée entre 2021 et 2024

En Guinée, la faible utilisation des services de santé de la reproduction en général et de la planification familiale (PF) en particulier contribue fortement aux maladies ou aux décès des femmes enceintes, pendant ou après l’accouchement et des enfants de moins d’un an.

Dans les milieux ruraux, un contraceptif est considéré comme un produit importé des pays occidentaux pour que les femmes ne procréent plus et un préservatif est perçu comme une affaire de pervers. Certains pensent également que la religion constitue un frein à la pratique de la planification familiale même parmi les religieux.

Cette situation découle, entre autres, de pratiques et de facteurs néfastes, parmi lesquels les grossesses rapprochées et répétitives, les grossesses précoces, les avortements clandestins, la recherche tardive de soins, les difficultés d’accès et l’insuffisance de soins obstétricaux et nationaux adéquats.

Dans le souci d’améliorer et de relever le niveau de la planification familiale, le Ministère de la Santé, avec  le soutien des partenaires techniques et financiers, a élaboré un Plan d’Action National Budgétisé de Planification Familiale 2019-2023.

A l’instar des autres pays du Partenariat de Ouagadougou (PO), le pays a pris aussi  des engagements fermes visant à augmenter sensiblement, entre 2020 et 2023, la prévalence de la contraception moderne chez toutes les femmes, les adolescentes et les jeunes. L’engagement a été également pris de favoriser la gratuité des services de planification familiale dans toutes les formations sanitaires publiques du pays entre 2021 et 2024.

Selon le ministre de la Santé, les engagements pris par les pays du Partenariat de Ouagadougou en matière de planification familiale sont essentiels, car ils expriment la volonté et le désir de ces pays d’atteindre un objectif commun en 2030. Une fois les engagements pris, ils devaient être mis en œuvre par le biais d’actions concrètes d’où la nécessité d’en faire le suivi.

«Ces  engagements pour amélioration de la planification familiale FP2030 aidera, d’ici 2030, la population guinéenne et plus précisément les adolescentes et les jeunes à être en bonne santé et de jouir d’un bien-être socio-économique à travers un accès universel aux services de la planification familiale abordable et de qualité», explique le Ministère de la Santé.

Sur le plan politique, l’engagement pris est d’augmenter le taux de prévalence de la contraception moderne (TPCm) chez toutes les femmes de 12,6% en 2020 à 18,52% en 2023 conformément au plan d’action national budgétisé pour la planification familiale (PANB-PF), chez les adolescents (15-19 ans) de 8,3% en 2020 à 12,8% en 2023 et chez les jeunes (20-24 ans) de 15,2% en 2020 à 19,7% 2023. L’engagement a été également pris de favoriser la gratuité des services de planification familiale dans toutes les formations sanitaires publiques du pays entre 2021 et 2024.

Sur le plan programmatique, la Guinée compte augmenter le nombre de formations sanitaires disposant de la gamme complète de produits contraceptifs de 80,7% en 2020 à 90% à 2023 et assurer un accès continu aux services de planification familiale (PF) pour les populations y compris les adolescents et les jeunes vivant dans une situation de crise humanitaire de 2021-2025.

L’engagement financier porte sur l’augmentation du financement domestique pour l’achat des produits contraceptifs de 50 % à 70% d’ici 2023 par le budget national de développement en allouant annuellement 10% du même budget.

Les nouveaux engagements et le plan de redevabilité ont été dévoilés au cours d’une cérémonie parrainée par les officiels du gouvernement. Selon le ministère de la santé, le suivi et l’évaluation des progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs de ces engagements FP2030 de Guinée se feront selon le principe de redevabilité mutuelle à travers des revues périodiques et à l’aide de plusieurs mécanismes et plateformes dont, entre autres, des réunions trimestrielles de suivi des engagements par le Comité national d’élaboration de nouveaux engagements, des sessions du comité de pilotage du PANB-PF, Motion Tracker, Scorecard.

Cette approche inclusive contribuera à renforcer le rôle de la société civile et garantira la transparence et la visibilité avec un rapport de suivi annuel produit et partagé avec toutes les parties prenantes.

Pour cela, la Guinée a défini cinq axes stratégiques pour son nouveau Plan PF 2019-2029 à savoir : la création de la demande, offre et accès aux services de santé, la sécurisation des produits, la  politique, environnement habilitant, le financement des actions, et la coordination et le suivi-évaluation. Témoignage sur l’utilisation de la planification familiale par la population guinéenne les religieux et les femmes

Point de vue de religieux

Aux dires de Elhadj Facinet Sylla, Imam et Membre du Conseil National de la Transition (CNT), « la planification familiale est pour certains religieux et jusqu’ici un tabou, mais nous avons quand même pu dompter quelques imams à la cause. Et actuellement ce sont eux-mêmes qui sensibilisent les populations à travers leurs prêches sur l’importance et l’avantage de la pratique de la planification familiale ».

Pour Elhadj Facinet Sylla, «beaucoup de leaders religieux sont actifs dans les séances de sensibilisation, les campagnes en faveur de la PF à travers des ateliers de formation et de sensibilisation et les médias pour amener les populations à comprendre l’importance de la PF sur la base des saintes écritures ».

Dr Mohamed Saliou Camara, imam de la mosquée Sangoyah-Marché, à Conakry, indique quant à lui les critères de la pratique de la planification familiale selon l’islam en ces termes : « l’islam autorise la PF seulement en cas de nécessité. Lorsque, par exemple, une femme ayant déjà beaucoup d’enfants est fatiguée et commence avoir des problèmes de santé et des difficultés à s’occuper de son foyer, dans ce cas, elle a besoin d’espacer les naissances dans un temps bien déterminé, avec l’accord de son mari ».

«La perception de l’islam sur la PF est très claire », renchérit Elhadj Alhouseyne Fadiga, leader religieux. Selon ce dernier, dans le cadre strict du couple légal, il est permis, d’un commun accord entre les conjoints, de pratiquer le planning familial, pour éviter la grossesse en allaitant ou pour permettre à la femme de se reposer. « Mais la limitation des naissances est interdite», précise-t-il.

«Je suis de ceux qui pensent que si les conjoints sont d’accord et qu’ils ont décidé librement d’adopter la planification familiale, Dieu lui-même est d’accord avec eux. Je n’ai vu nulle part dans la bible où l’utilisation des contraceptifs est un péché condamnable», explique, de son côté, le révérend Joseph Togna Doré, pasteur et président de l’Alliance des Eglises et Missions Evangéliques de Guinée (AEMEG).

Ces religieux s’invitent donc chaque jour dans le débat en faveur de l’utilisation des contraceptifs modernes. Ils utilisent leur mandat divin pour militer en faveur de la PF en vue de sauver des vies. Leurs éclairages aident ainsi beaucoup de guinéennes et de guinéens à accepter la planification familiale et à comprendre ses avantages.

A Conakry, la capitale de la Guinée, les femmes sont moins réticentes à l’utilisation des contraceptifs. Elles décident, parfois, à l’insu de leur mari, d’utiliser une méthode contraceptive.

Aminata Baldé, mariée depuis seulement cinq ans, a déjà trois enfants. Son mari, membre de la communauté wahhabite, une aile conservatrice de l’islam, lui a interdit d’utiliser les contraceptifs. Sous son fin voile couvrant totalement son visage et sa robe noire qui couvre tout son corps, se dessine une silhouette de femme révoltée et décidée à sauver sa vie.

« Est-ce que Dieu, qui m’a créée, veut que je meure et laisse mes enfants orphelins ? Je ne le crois pas », murmure-t-elle sur un ton à peine audible. Dans son regard, se lit aisément le désir de se protéger malgré les interdits de son mari.

Avis de femmes

«J’utilisais une méthode contraceptive moderne grâce à une amie mais j’ai arrêté », affirme Mme Marie Thérèse Sylla, la trentaine, mère de 3 enfants. «Pour moi, l’utilisation des contraceptifs n’est pas en contradiction avec ma foi relieuse», estime-t-elle. Mais elle reconnaît qu’il existe des religieux chrétiens qui lui ont conseillé d’éviter les contraceptifs.

Mme Fatoumata Camara, vendeuse d’articles au marché de Madina, soutient que «la planification familiale est une bonne chose surtout pour nous les femmes non mariées. Elle nous aide à éviter les grossesses non désirées, les maladies sexuellement transmises et nous permet de nous concentrer sur nos activités génératrices de revenus. »

A côté de ces femmes, désormais adeptes des méthodes modernes de contraception, il y a des milliers d’autres qu’il faudrait, au cours des prochaines années, convaincre par la mise en œuvre des politiques et programmes innovants pour augmenter la prévalence contraceptive dans tout le pays.

Par Kadiatou Thierno Diallo

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