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La presse guinéenne à l’épreuve de la Transition (Par Asmaou Barry)

Au dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF), la Guinée a gagné quelques points et redoré son positionnement sur la liberté de la presse – 84e sur 180 en 2022, contre 109e en 2021-. Cela parce que le sondage a coïncidé à la chute du régime Alpha Condé qui méprisait la presse.

Avec le vent de la libération du 5 septembre 2021, nombre de journalistes avaient estimé que l’oppression n’était plus qu’un souvenir. Et d’ailleurs certains actes des nouvelles autorités (l’autorisation de circuler la nuit pendant le couvre feu, la mise à disposition d’une maison de la presse…) laissaient croire aux médias que désormais, ils sont à l’abri de toute pression.

La ministre de l’Information et de la communication, Rose Pola Pricemou (ministre en charge de l’Industrie depuis le 20 août 2022) et le président de la Transition, colonel Mamadi Doumbouya.

Il y a la liberté d’expression/presse et il y a le sentiment d’être libre. Ce dernier est aussi important que le premier. Car lorsqu’on est certain que les opinions qu’on exprime risquent de nous créer des ennuis, c’est l’auto-censure. Toujours est-il que, dans un contexte de crise, l’auto-censure est confondue au sens de responsabilité sociale.

Après la réhabilitation de la Haute Autorité de la Communication (HAC), à l’occasion d’une rencontre entre les membres de cette institution et les associations de presse, je plaidais pour une PRESSE sans PRESSION au cours de la Transition. Car j’estimais que lorsque l’euphorie de la libération sera passée et que les nouvelles autorités seront confrontées aux défis de la gouvernance et de la gestion de la Transition, les médias/journalistes seront dans leur rôle de critiques.

Je disais donc que lorsque ce moment arrivera, que les nouvelles autorités comprennent que ce n’est pas de mauvaise foi, mais juste la contribution de la presse à la conduite de la Transition. N’est-ce pas on dit la presse est le chien de garde des sociétés démocratiques ?

Une presse sans pression suppose qu’il n’y ait pas de manœuvres, notamment du harcèlement, pour faire taire des journalistes ou carrément des médias.

Près d’un an après le 5 septembre, force est de constater que la liberté d’expression et de presse commence à être mise à rude épreuve. Il y a des prémices de harcèlement. Un journaliste convoqué dans un camp militaire. Des explications demandées à trois autres par la HAC, dont un est sanctionné.  Sans compter les intimidations dans l’ombre.

A l’allure où vont les choses, nombres de journalistes n’auront plus de choix que de « la fermer » Or « ce n’est pas parce que le roi a une plaie que les mouches vont s’empêcher de voler. » Dit le proverbe guinéen.

En tant que journalistes, dire les faits tels qu’ils sont, est la première leçon qu’on apprend. Ce n’est pas en enveloppant les faits dans de commentaires diplomatiques qui frisent la censure, qu’on empêche les faits d’être ce qu’ils sont. Ça ne sera plus de la vérité, que pourtant chacun doit défendre quelle que soit sa position. C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire, que la famille de la presse reste solidaire. Qu’on ne laisse pas de petites crises miner la corporation. Car divisés, nous serons vulnérables. Et cette vulnérabilité fera de la presse une proie facile.

Boubacar Yacine Diallo, Président de la Haute Autorité de la Communication (HAC).

Trouvons dans cette Transition l’opportunité de rebâtir le métier à travers des réformes législatives et règlementaires afin de le promouvoir davantage et de protéger les journalistes. Cela à travers un arsenal juridique cohérent et adéquat, mais aussi un modèle économique viable permettant aux médias de rémunérer correctement les journalistes afin qu’ils vivent dignement de leur travail.

À ce moment-là, le respect de l’éthique et de la déontologie ne sera que la preuve d’une presse libre et responsable.

Il ne faut pas faire de la réhabilitation de la Haute Autorité de la Communication un bâton pour frapper les journalistes ou l’ouverture d’une brèche pour restreindre la libre expression des journalistes critiques à l’égard des autorités de la Transition. Pour rappel, la Charte de la Transition garantit les droits et liberté notamment en ses articles 19 « tout individu a droit de s’informer librement et d’être informé » et 34 « les libertés d’association, de réunion, de presse et de publication sont garanties. ».

Enfin, la déclaration universelle des droits de l’homme dispose en son article 19 que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

Asmaou Barry, journaliste, membre du CNT (Conseil national de la transition)

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