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Le bilan des 10 ans d’Alpha Condé en Haute-Guinée et Guinée-Forestière

A quelques semaines de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, faire un bilan social et politique de celui qui se voulait le Mandela guinéen s’impose. On entend partout dire : « Alpha Condé doit continuer ce qu’il a commencé ». Mais voyons ! Qu’a-t-il commencé au juste ? Quelles grandes réalisations a-t-il à son compte ? S’il était réélu que devrait-il continuer et dans l’intérêt de qui ? Voici l’éclairage de Lamarana-petty Diallo.

Il ne me parait pas opportun, conscience professionnelle oblige, de me lancer dans un bilan économique que je laisserai aux spécialistes. Surtout, je vois que Kaléta a produit plus d’obscurité que d’électricité. Les grandes infrastructures routières sont devenues des tombeaux à ciel ouvert où les accidents se disputent la vie des Guinéens aux balles des forces dites de l’ordre et de sécurité. Ces forces qui rateraient un pigeon mais non un de leurs compatriotes. Mais bon, commençons par le commencement parce que chaque Guinéen a eu son Alpha Condé.

 La Haute-Guinée d’abord

Cette région, c’est dans l’ordre des choses, me dira-t-on, est la première à soutenir Alpha Condé. Et pourtant. Soutien historique, pour ne pas dire filial, du Rassemblement du peuple de Guinée (Rpg) qu’a récolté la Haute-Guinée ? Quelles retombées en retour ? Des promesses creuses, des mensonges éhontés et les chantages pré-électoraux. On pourrait dire que la Haute-Guinée est l’une des toutes premières victimes du système guinéen actuel. Un système qui l’a utilisé, escroqué et voué à l’oubli des deux mandats présidentiels au profit d’alliés de la 25e heure.

Loyauté, quand tu nous fais défaut

 La loyauté est l’un des principes politiques à sauvegarder sans verser dans le clientélisme. Quand le second prévaut sur le premier, ce sont les militants et soutiens de la première heure qui deviennent les victimes. La Haute-Guinée fera les frais de cet adage. Le manque de loyauté du président Condé envers la Haute-Guinée s’est fait sentir dès le lendemain de son élection. Ainsi, s’étant servi de ses origines malinkés, fabriquées de toute pièce, pour arriver au pouvoir, il s’empressa de partager le gâteau au détriment de ce qu’il appelait son fief.

Champion en promesses, vendeur d’illusions, M. Condé octroya dès les premières heures de sa mandature la Primature à la Basse-Guinée. L’Assemblée Nationale à la Guinée Forestière. On y reviendra. Il ne réserva que quelques miettes à la région sans laquelle il n’aurait pu se prévaloir de racines guinéennes. Il lui confia la défense qui n’a jamais été un vrai ministère et l’administration du territoire : deux départements qui sont sous sa surveillance entière.

La Haute-Guinée a été bernée et réduite aux oubliettes par l’homme qu’il a porté au pouvoir. Peut-être au dos. Et voilà ce dernier se raviser subitement qu’il y a une région qui s’appelle Haute-Guinée. Des villes du nom de Kankan, Siguiri, Kouroussa, Mandiana, etc.

                                   «Je vous demande pardon» les mains sur le dos, mais je reste assis.

Le voilà qui se plie en quatre, malgré ses nerfs sclérosés par l’âge, pour demander pardon. Il joint mêmes les mains au dos. Le tout bien assis à l’abri, devant caméra et en vidéoconférence. Donc, loin de la région qu’il arpentait pour l’opposer aux autres et vendre ses promesses. Mais, se confondre en excuses comme le pécheur face au prêtre ne trompe plus personne. Il est fort à parier que la Haute-Guinée ne se laissera plus berner. Elle saura déceler la pitrerie, les larmes de crocodile, les bouffonneries et les faux-semblants des promesses non tenues.

Cela, d’autant plus que les excuses et le réveil tardif n’ont pas empêché les provocations et le chantage habituel : « Si vous votez pour un autre Malinké qui ne soit le candidat du Rpg, vous votez pour Cellou, le seul candidat du Fouta ». On s’en souvient, hier c’était : « Qui ne vote pas Rpg en Haute-Guinée est un bâtard ». Osé, pourrions-nous dire. Réduire les Malinkés en vassaux du Rpg. Pire, en troupeau de moutons : « Vous faites ce que je dis et suivez mon doigt. Qui ne le fait pas n’est pas Malinké ». Si le président Condé pouvait simplement nous dire la différence entre un Malinké, militant d’Ousmane Kaba, un autre, militant de Lansana Kouyaté et un militant du Rpg.

Il semble que mes cousins…

Ces propos dissimulent à peine une éventualité, et il semble que mes cousins de Nabaya ont bien compris : « Si Alpha Condé rempile pour un troisième mandant, il ne risque plus d’avoir de Maninka Mory, du moins à Kankan, mais des Maninka Bori ». La faute sera tout naturellement rejetée à Dr Ousmane Kaba qui s’est porté candidat pour faire voter Cellou Dalein Diallo. « Hey ! N’na An Mbara ban ! »

Quand même, le comble, ce qu’on nous bassine les oreilles avec la trouvaille de la double mandature : « Rpg-Arc-en-ciel ». Ce qu’on ne dit pas, c’est si tu votes pour un autre de la Haute-Guinée, la région sera à jamais rayée des multiples couleurs de l’Arc-Rpg par le seul fils autoproclamé. Mais comme en Haute-Guinée, les errements du système se sont abattus sur d’autres qui en feront les frais.

La Guinée-Forestière

Nos compatriotes de la Guinée- Forestière ont été parmi les souffre-douleur du pouvoir guinéen. On se souvient que le candidat du Rpg de 2010 leur avait attribué de pratiques dont le plus méprisant des colonisateurs n’aurait osé tenir. La vidéo les diffusant avait fait le buzz et plus d’un guinéen estomaqué par les propos discriminatoires de M. Condé. L’arrivée au pouvoir du Rpg aura montré que les propos singulièrement violents, discriminatoires, voire xénophobes à l’égard de la Guinée-Forestière ne suffisent pas. Cette région subira les pratiques les plus abjectes.

                                                Les faits sont têtus et font l’histoire

Un survol de la situation sociale et politique montre que les tortures, les meurtres, assassinats et chasse à l’homme ont marqué au fer et au sang la Guinée-forestière. Rappelons juste quelques évènements.

– Les 2 et 3 mai 2011, à Gala-paye (Yomou), 36 personnes au moins sont massacrées. A cela, s’ajoutent une vingtaine de blessés et d’habitations calcinées.

– Les 3 et 4 août 2012 à Zogota, les forces de sécurité arrachent, en plein sommeil, la vie à 6 personnes. Faut-il ajouter que ce chiffre est aléatoire et le nombre réel de victimes ne sera peut-être jamais connu.

-Du 15 au 18 juillet 2013, c’est au tour du village de Koulé et la ville de Nzérékoré de baigner dans le sang. Le bilan macabre est particulièrement élevé et se passe de tout commentaire : 95 morts, 160 personnes blessés en trois jours de conflits intercommunautaires méticuleusement préparés dans l’ombre. Comble de l’ignominie. Certaines victimes étaient mutilées, décapitées, calcinées et méconnaissables. Plusieurs corps ont été découverts dans une horreur extrême car en plus des sévices, elles ont été jetées dans les caniveaux ou abandonnées dans des concessions désertes selon la Croix-Rouge.

Pas de répit pour la Guinée-Forestière

Plus récemment, le double scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020 a été l’occasion de règlements de compte les plus abominables. Les violences ont atteint un degré inouï et le nombre de victimes jamais enregistré. Exception faite des évènements du 28 septembre 2009. Le chiffre de plus de 130 morts a été avancé. Le nombre de disparus, surtout en cas de troisième mandat, restera pour longtemps inconnu. Les fosses communes remplies de cadavres non identifiables ont rendu opaques les chiffres et témoignent de la cruauté des faits.

En effet, les forces de l’ordre et les Donzos : mercenaires de l’ULIMO (mouvement armé qui a participé à la guerre civile au Liberia, 1989-1997) et du RUF (Front révolutionnaire uni de la guerre en Sierra-Leone, 1997-2002) déguisés en chasseurs n’ont pas fait de quartier. Comme si ces horreurs ne suffisaient pas, des dizaines de Forestiers croupissent en ce moment même dans les geôles du camp de Soronkoni, le Boiro du pouvoir actuel. Ceux qui disent aux Guinéens, « Alpha Condé doit continuer ce qu’il a commencé », de juger en leur âme et conscience, si le travail, comme ils le disent de M.Alpha Condé doit continuer.

A chacun sa conscience, à chacun son bulletin et son choix

Ce bilan ne concerne que deux régions naturelles de la Guinée. Celui des deux autres ne risque pas d’être des plus reluisants. Chaque Guinéen devrait donc se questionner pour se dire, de manière patriotique et en toute conscience si M. Alpha Condé a été élu pour un bilan et des actions comme celles énumérées dans cet article.

A chacune et chacun d’entre-nous de dire ou non si l’alternance n’est pas la seule et meilleure solution tant pour la Guinée que pour M. Condé lui-même. A tout un chacun de faire son choix dans le secret de l’urne, le face-à-face d’avec soi, avec sa conscience au moment de glisser son bulletin pour celle ou celui qu’il estime pourra fera un bilan différent. Celui qui, sans être l’homme providentiel, on n’en veut pas, guérir les plaies et unira la nation.

A chacun de se questionner sur un troisième mandat et de se dire s’il équivaut à une épuration ou non, à une épuration, une continuité salvatrice, de nouvelles catastrophes et tragédies en perspective. Ce survol sociopolitique de deux fois cinq ans de présidence pourrait-il réveiller les consciences tant nous Guinéens, et tout peuple d’ailleurs, ont tendance d’oublier le passé pour les promesses du présent et les illusions du futur. En cela, les dictateurs sont maîtres. Et la Guinée n’est pas dirigée par un démocrate.

Par Lamarana-Petty Diallo
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