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Les américains tirent la sonnette d’alarme contre les dérives du régime : «L’heure est grave pour la Guinée»

Il a réussi à changer la Constitution de 2010 en organisant le double scrutin du 22 mars qualifié de «holdup électoral meurtrier» par le Fndc et plusieurs autres organisations nationales et internationales, mais le régime Alpha Condé s’en tire avec une image écornée. Au niveau international, le président qui se déclarait venu apporter le changement inspirer les futures générations en matière de bonne gouvernance à suivre est loin d’incarner les modèles dont il se targuait : Nelson Mandela et Barack Obama.

Son régime continue d’essuyer les critiques. Ce mardi 4 mai, le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (Cesa) du département de la Défense des États-Unis, a publié son rapport intitulé “Désamorcer la crise politique en Guinée” dans lequel l’agence créée et financée par le Congrès américain épingle le chef de l’État installé au pouvoir à Conakry en décembre 2010 à la suite d’un scrutin faisant partie des plus controversés de l’histoire électorale africaine de ces dernières années.

«Les manœuvres du président Alpha Condé pour  l’adoption d’une nouvelle Constitution contre l’avis de la population, constituent une manière de contourner les remparts démocratiques à la seule fin de s’assurer un troisième mandat présidentiel”, souligne le rapport rendu public mardi.

Pour tenir le référendum du 22 mars, lit-on dans ce document officiel, Alpha Condé a fait fi «des manifestations de masse, des mises en garde des responsables de la Cedeao et des critiques internationales. (…) Le référendum, ainsi que les élections législatives, ont été boycottés par l’opposition qui les juge illégitimes du fait qu’ils ont été autorisés uniquement par le président de l’Assemblée nationale, un allié de Condé, mais non par le Parlement, comme l’exige la Constitution. Au moins 32 manifestants ont été tués par les forces de police avant la tenue du vote. Arguant du non-respect manifeste des règles électorales et de la validité douteuse des listes électorales, les observateurs électoraux internationaux ont refusé d’y prendre part».

«Au cœur de la controverse», le Cesa met à l’index la volonté d’Alpha Condé, qui, du haut de ses 82 ans, s’est donné le droit «de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels qui aurait dû mettre fin à son «règne» au mois d’octobre, après 10 ans d’exercice du pouvoir, et permettre» ainsi à ce pays d’Afrique de l’ouest situé au bord de l’océan atlantique et frontalier avec le Sénégal, la Guinée Bissau, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Liberia et la Sierra Leone, «de connaître enfin sa toute première succession dans le respect des règles démocratiques».Contre-pouvoirs affaiblis

En plus d’avoir modifié la durée de mandat de 5 à 6 ans,  explique le Cesa , la nouvelle Constitution promulguée le 7 avril 2020 par le chef du régime de Conakry,  comporte plusieurs dispositions de nature à affaiblir les contre-pouvoirs démocratiques en Guinée. «Elle modifie ensuite la structure de la Cour constitutionnelle afin d’accroître le contrôle du président sur cette institution cruciale. Le nombre de juges nommés par le président passe notamment de un à trois (sur un total de neuf). Par ailleurs, la responsabilité de désigner le président de cette Cour n’incombe plus à ses membres mais au chef de l’État. Le président de l’Assemblée nationale (un allié de Condé) ayant également la faculté de désigner deux juges, Condé peut ainsi choisir jusqu’à cinq des neuf juges qui composent la Cour».

Ayant enduré «50 ans de  despotisme et abus de pouvoir» faisant de la Guinée «l’un des pays les plus pauvres d’Afrique»«avant d’entamer sa transition démocratique en 2010, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels revêt une importance particulière pour la plupart des Guinéens».

Un défi pour la Cedeao

 «L’heure est grave pour la Guinée», s’inquiète le Cesa  rappelant que «les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. Le régime de Condé a été marqué par un autoritarisme grandissant, qui s’est traduit par le remplacement du responsable de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le limogeage du président de la Cour constitutionnelle et la destitution forcée du Ministre de la justice (hostile à ces changements constitutionnels), mais aussi par la mise sous contrôle des médias et l’arrestation de représentants de l’opposition”.

A en croire l’Agence,  “le non-respect des règles de cumul des mandats et le recul démocratique en Guinée constituent un défi pour Cedeao qui s’efforce d’instituer des contre-pouvoirs et d’obliger à rendre des comptes comme l’exige toute démocratie. Ces efforts s’attaquent à la tendance anti-démocratique récente observée dans les 15 États membres de l’organisation», déplore le Cesa avant de rappeler saisine actuelle de la Cour de justice de la Cedeao  «d’une affaire dans laquelle une coalition de l’opposition allègue la violation par le gouvernement Condé de droits de l’homme et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance».

Cette régression de la Guinée,  vers un pouvoir de type autoritaire est, selon l’analyse des américains, «source d’instabilité politique et de difficultés économiques dans ce pays de 12 millions d’habitants dont les ressources minérales n’ont pas prémuni contre la pauvreté. Les implications pourraient être graves dans les pays voisins qui seront directement affectés par cette instabilité».

Se référant aux informations des Ong, le Cesa fait savoir que le jour du scrutin du 22 mars,  de nombreux citoyens ont suivi l’appel au boycott du référendum lancé par l’opposition, «le taux de participation n’ayant pas dépassé les 30 % en province, pour tomber à moins de 15 % dans la capitale, Conakry, alors que ce taux atteignait par le passé 75 % au niveau national». Le jour du référendum, les médias et les réseaux sociaux ont indiqué que le nombre de bulletins «non» était insuffisant dans certains bureaux de vote. D’autres se sont vu confisquer leur carte électorale et ont dû attendre à l’extérieur pendant qu’un autre votait pour eux. D’autres encore ont signalé avoir été contraints de voter «oui». Au moins 12 morts sont à déplorer, et des dizaines de personnes ont été arrêtées, notamment des représentants de l’opposition.

En Guinée forestière, un conflit autour du vote a suscité des violences entre groupes religieux menant à l’incendie de plusieurs églises et mosquées faisant plus de 15 morts. Par ailleurs, les forces de l’ordre auraient confisqué des urnes afin de procéder elles-mêmes au dépouillement du scrutin.

Selon les déclarations officielles du gouvernement, le référendum aurait été adopté à 89 % des voix, avec une participation de 58 %.

A travers ce rapport, le Centre d’études stratégiques de l’Afrique vient de confirmer les griefs du Front national pour la défense de la Constitution (Fndc) ainsi les dénonciations et les inquiétudes des organismes nationaux et internationaux de défense des droits humains, ainsi que les principaux pays partenaires de la Guinée respectueux des principes inaliénables et des valeurs cardinales de la démocratie.

 Par Le Populaire

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