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Lettre Ouverte à Mr Alpha Condé : Pour que l’espoir et le consensus soient au rendez-vous

A présent que le 3e mandat est accouché à la césarienne, Lamarana Petty Diallo espère bien que rien ne devrait plus être comme avant. Il propose que la nouvelle gouvernance du pays ait un visage humain et responsable, solidaire et orienté vers le gouvernement du peuple et non du clan. Et ne ressemble plus à un perpétuel banquet d’opportunistes, de m’as-tu-vu et de bandes de déprédateurs des droits de l’homme. Lisez !

L’élection présidentielle qui conduit à la nouvelle mandature a été des plus polémiques et des moins consensuelles. Certes, on pourrait rétorquer que les guinéens en ont l’habitude. Il n’en reste pas moins vrai que se posent des questions essentielles qui méritent d’être abordées. Lorsque le fossé se creuse entre le peuple et les politiques, les positions se radicalisent, les conflits risquent de refaire surface et aggraver une situation décennale qui n’a pas été des plus reluisantes, personne n’a le droit de ne rien dire ou faire.

Face aux positions politiques antagoniques de personnes qui se montrent, les unes plus que les autres, sourdes, arc-boutées, vindicatives et souvent obstinées, la plume pourrait apporter une touche d’espoir aux citoyens qui se demandent bien de quoi demain sera fait. C’est dans un tel contexte que la Guinée se retrouve à nouveau entre les mains d’un homme et son pouvoir : Monsieur Alpha Condé. Il est de bon droit de lui exprimer nos espoirs et nos craintes.

Cette lettre ouverte se voudrait une alerte et un plaidoyer d’un guinéen qui s’interroge sur la nature que prendra la mandature qui s’ouvre.  Elle n’est point une leçon de morale. En revanche, elle se veut un rappel de promesses non ou mal honorées : « Celle de servir le pays et d’œuvrer au bien-être des citoyens ; d’être le Mandela de la Guinée ». Pourtant, notre pays ne se porte pas au mieux. En tout cas, comme on l’aurait souhaité. La prise en compte d’un certain nombre de paradigmes en ce début de magistrature, actée dans les conditions connues de tous, paraît nécessaire.

UN COMBAT QUI TEND VERS SON COURONNEMENT ULTIME  

Monsieur Alpha Condé, votre parcours politique avait deux finalités : être Président de la République et avoir un troisième mandat. Vous y êtes parvenu. Cependant, il vous reste un ultime combat, politiquement parlant, à livrer. Ce dernier est hautement plus important que les précédents car il s’agit de réconcilier la Guinée. De la réussite de cette mission dépend le couronnement de toute votre existence dans ce bas-monde et à titre posthume. Ce combat-là se jouera entre vous, les générations actuelles et la postérité. C’est à vous de vous en donnez les moyens et la volonté en acceptant ce qu’on oublie très souvent une fois au sommet de la pyramide sociale.

UN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE N’EST PAS UN ROI, ENCORE MOINS UN DIEU.

 Un président, c’est de Lapalisse, préside aux destinées d’une nation et d’un peuple. Comme le disait François Mitterrand : « On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérances ». Un autre président français, Nicolas Sarkozy  n’exprimait pas le contraire en affirmant : « Le Président de la République ne saurait être confondu avec aucune fraction. Il doit être l’homme de la nation tout entière, exprimer et servir le seul intérêt national ».

Le président guinéen Alpha Condé

Ces visions de deux hommes, aux carrières et orientations politiques opposées, devraient inspirer des actes qui viseraient la restauration de la confiance et du tissu social distendu. En d’autres termes, vous avez l’impérieux devoir de réconcilier la Guinée dès ce début de mandat. Vous devriez rapprocher les différentes composantes de la nation qu’on appelle encore « ethnies ».

Il serait impossible d’y parvenir si vous n’ôtiez pas votre costume d’opposant. Désormais, vous devriez adopter une nouvelle posture plus conciliante, plus apaisante et unificatrice qui serait salutaire pour vous-même et pour les guinéens. Intégrer, du moins considérer que vous n’auriez désormais d’opposants que celles et ceux qui vous ont haï durant votre parcours politique pour vous applaudir une fois que vous êtes devenu président.

Se dire que vos seuls opposants, ce sont ceux qui vous élèvent au rang de roi devant lequel tout le peuple devrait se plier oubliant ainsi que vous êtes tout simplement un homme que les guinéens ont élevé au rang de président. Ce sont aussi les marchands de chimères ; les vrais-faux représentants de telle ou telle région du pays qu’ils promettent de vous octroyer comme si une région et ses habitants se vendent ou s’achètent. Ceux-là sont nuisibles à la République et obstruent les chemins de la réconciliation. On pourrait dire qu’ils se jouent tant de vous que des guinéens.

LA GUINÉE NE SAURAIT SE CONSTRUIRE SANS UNE INCLUSION PARTICIPATIVE ÉQUITABLE

Force est de reconnaître qu’il y a beaucoup de plaies ouvertes qui sont à panser dans notre pays. Certains citoyens considèrent que votre présidence les aurait desservis plus que toutes les précédentes. Certaines organisations régionales affirment clairement que leurs ressortissants ont été des souffre-douleur qui ont « payé le plus lourd tribut » dans vos mandatures passées.  Et pour cause ? Il vous appartient désormais de corriger la perception, voire, la nature de votre gouvernance, pour effacer l’appréhension des uns et des autres.

La représentation nationale ne saurait être viable sans la présence de femmes et d’hommes désintéressés, à la moralité digne de confiance. Une représentation dans laquelle tout guinéen se reconnaîtrait et se sentirait être pris en compte est vitale.

La nouvelle mandature devrait redonner à toutes les entités nationales leur place au sein de la République. Aucune couche sociale, aucune région dite naturelle (appellation qui prête à caution selon moi mais dont on ne peut s’en passer tant que la nation ne sera pas totalement unitaire) ne devrait être indexée. Il faudrait qu’aucun citoyen ne soit traité en anti ou pro-pouvoir ou opposition.

Il faudrait poser des actes politiques courageux et des choix équitables pour mettre un terme à certaines considérations discriminantes. Du genre : « c’est le pouvoir malinké ; c’est le tour de telle ou région ; ce sont les militants de… ». Un préalable à de tels actes politiques, cependant.

CHERCHEZ UN PREMIER MINISTRE QUI SOIT CONCILIATEUR ET MOINS CLIVANT

Depuis votre investiture et la prise de fonction, les mêmes oreilles sont tendues comme l’arc d’un sourd pour entendre leur nom prononcé dans un décret présidentiel. Ils sont nombreux, les candidats, à se considérer « premier ministre providentiel » pour être dans le cœur « du Bon Dieu ». La course aux strapontins, inutile d’insister, fait La Une des médias.

Chacun prétend être le mieux placé ; met en avant toutes sortes de prétentions illusoires : « Je suis le dauphin du président ; la coqueluche de telle région qui détiendrait le pouvoir ; l’oreille et la bouche du chef ; celui qui l’ait reconnu en premier parmi tous… ». Chacun estime que son ancienneté ou sa nouveauté prévaudra.  Il reste à savoir, du nouveau ou de l’ancien, qui fera l’affaire des guinéens.

Une chose est claire. Dans cette course effrénée, il n’y a aucune préoccupation du devenir et du bien-être du peuple. Tous les stratagèmes, tous les coups de couteau sur le dos d’un potentiel adversaire ne visent qu’à s’octroyer une place dans la mangeoire de demain qu’on espère mieux garnie que celle d’hier.  Je vois qui lèche déjà les doigts ou qui aménage le nouveau bureau.

Les illusions peuvent être mort-nées et les scénarios se jouer autrement. En effet, si les attributions de postes ne font pas forcément la réussite d’un pouvoir, elles sont néanmoins le miroir de l’équité dans la République.

Donc, il faudrait sonder le partage du pouvoir depuis la première magistrature. Passer en revue les occupations de postes dans les trois  (3) pouvoirs : Exécutif, Judiciaire, Législatif. Alors, vous verrez qui a occupé ou non telle ou telle haute fonction de l’Etat. Plus explicitement : la Primature, la Présidence de l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle. Une telle approche permettrait de rééquilibrer, si la volonté existe, la balance et donnerait le portrait-robot d’un chef de gouvernement.  Je me hasarderai d’en dresser un.

QUI POURRAIT ÊTRE PREMIER MINISTRE ?

A mon avis, le poste de Premier ministre devrait échoir à une personnalité consensuelle et moins clivante, comme indiqué plus haut. A une femme ou homme expérimenté, ouvert au dialogue et conciliant. L’intéressé devrait pouvoir manier l’art de la parole, la sincérité et la justesse de l’acte. Être le trait-d’union, le catalyseur, entre l’Exécutif et le Peuple.

Tout futur Premier ministre devrait entamer un dialogue national, prélude à toute réconciliation au lieu d’agiter l’épouvantail de « la chasse aux sorcières ». Il devrait haïr, jusqu’à la phobie, tout esprit revanchard, tout penchant ethnocentrique, toute volonté d’apparaître comme un porte-drapeau d’une région au détriment de la République. Dans cette perspective, un autre préalable s’impose.

Il ne devrait pas être un militant ou allié de la 25e heure. Ce genre d’opportuniste invétéré, opposant à tout et allié à tout le monde ne servira que ses intérêts. Ce genre de personne n’est rien d’autre qu’un pisteur de postes qui, toute dignité tue, quémande ouvertement une place, en faisant fi des valeurs que son parti et le peu de militants qui lui reste, avaient défendues lors de la présidentielle. On sait que de telle personne squatte déjà marabouts, féticheurs mais aussi la présidence et s’exhibe dans tous les médias. Quelque soitl’option prise, vous devriez donner de l’espoir, non plus dans le verbe, mais dans les actes.

DONNEZ UN SIGNAL ANNONCIATEUR D’UNE MANDATURE DE LA MATURITÉ ET NON PLUS DE LA RIVALITÉ 

Si les attentes sont nombreuses, certaines sont incontournables. Parmi elles : la libération des prisonniers d’opinion, la fin de l’occupation de certains quartiers et des expropriations.

-Indemniser les familles qui ont perdu un des leurs dans les différents mouvements sociaux qui ont étayé les dix dernières années est l’un des actes les plus attendus. Il faudrait que la satisfaction de cet espoir soit le premier des signaux que vous donneriez au peuple. Tout naturellement, les morts ne reviendront pas. Mais les coupables peuvent être identifiés et sanctionnés. Et, plus important que le peu d’indemnisation que les familles pourraient percevoir, l’empathie est la chose qu’elles attendent le plus de l’Etat.

-Libérer les prisonniers d’opinion, des premières arrestations aux plus récentes, serait un vrai gage de paix. Il faudrait les libérer en tenant compte d’un seul principe octroyé par la loi. « Le président est celui qui sanctionne et gracie ».

-Mettre fin, sinon surseoir, aux opérations d’expropriation des citoyens serait plus juste et plus judicieux car leur pratique actuelle apparaît plus comme un règlement de comptes qu’un rétablissement de l’Etat dans ses droits.  En outre, on ne saurait exproprier en ciblant ni rendre justice en punissant l’acheteur à la place du vendeur. L’équité impose que soient punis les agents corrompus de l’Etat.

-Désengager les forces de défense et de sécurité des quartiers occupés comme Wanindara restaurerait la République elle-même dans son entité.  En effet, si aucune portion du territoire ne devrait être sous le contrôle de hors-la-loi, tous les habitants d’un quartier ne peuvent, non plus, être considérés comme des bandits.

-Rendre Wanindara et toutes les communes de Conakry à leurs habitants, c’est éviter d’instaurer des frontières au sein de la nation. Des tels actes présidentiels sont d’autant plus nécessaires, voire indispensables, que s’impose indéniablement cette vérité historique.

VOUS LAISSEREZ À LA POSTÉRITÉ CE QUE VOUS AUREZ SEMÉ.

Si cet adage s’applique à tout un chacun, alors réconciliez la Guinée en réparant tout ce qui a été raté ou mal fait ces dernières années, monsieur le président. Rêve ou illusion. Peu m’importe. Je l’aurai dit. Vous conviendrez qu’il ne sert à rien de lutter pour occuper la magistrature suprême si on devrait laisser un pays en lambeaux ; une nation en charpie ; un peuple déchiré et aux abois.

Il semble que vous auriez dit que vous ne voudriez pas diriger la Guinée en passant sur des cadavres. Force est de reconnaitre, que de cadavres, il y en a eu ces dernières années. Mais la réconciliation est toujours possible si l’acte primordial : le dialogue prélude au pardon est posé. Dès lors, le climat social serait décrispé ; l’espoir et la confiance renaitraient ; le pays réconcilié et une gouvernance apaisée possible. Et tout cas :

LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE NE DEVRAIT PAS ÊTRE ENTAMÉE SOUS LE SCEAU DES PRÉCÉDENTES

Si tel était le cas, ni le pouvoir ni le pays ne résisteraient. Si de conflits sociaux similaires à ceux de la Troisième République devaient se reproduire, le chaos aura sonné aux portes de la république. Aussi, la répression non plus ne saurait indéfiniment être force de loi.

Enfin, je dis que la nouvelle magistrature ne devrait pas être suprême mais humaine et réconciliatrice. Elle devrait se fonder sur le souhait qui anime tout guinéen : vivre dans un pays apaisé, réconcilié et solidaire.

Alors, puisse-t-il, notre pays se réveiller différemment sous la Quatrième République. Que ce réveil se fasse sous les auspices d’une gouvernance nouvelle dans laquelle la rue ne fera pas la loi ; où l’État ne versera pas les larmes et le sang des citoyens. Mais tout cela est entre vos mains, monsieur le président. .

Par Lamarana-Petty Diallo
[email protected]

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