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Rencontre avec un géant du football guinéen : Alioune Yattara Malbanga, puissant attaquant, joueur exceptionnel

Avec 102 buts en 7 ans, 4 trophées sous-régionaux remportés avec l’équipe nationale et un « Ballon d’or du championnat guinéen »Alioune Yattara Malbanga est un footballeur au parcours exceptionnel. Dans les  années 80 il est désigné 3e meilleur avant-centre africain par les éminents membres de la presse sportive continentale au nombre desquels l’immortel Aboubacar Kanté. Avec lui Le Populaire feuillette ces pages glorieuses écrites avec les couleurs du Horoya AC et du Syli national.

Le Populaire : Comment êtes-vous arrivé au football ?
Alioune Yattara Malbanga : C’était comme tout jeune africain. A l’époque, je jouais dans la rue puis à l’école Sandervalia. J’ai été sélectionné pour jouer dans un tournoi scolaire à l’issue duquel j’avais été meilleur buteur. Dans les compétitions inter-quartiers aussi, j’avais toujours été meilleur buteur.

Comment avez-vous intégré le Horoya?
C’était à l’occasion d’une compétition interscolaire que les dirigeants du Horoya m’avaient repéré.

 Comment s’était passé vos débuts dans le Horoya?
Le championnat venait d’être relancé en 1985. Il était divisé en 4 zones: Basse côte, Moyenne Guinée, Haute Guinée et Guinée forestière. C’était un championnat rude. Cette année là, le Horoya était devenu vice-champion derrière A S Kaloum. Et moi, j’ai été meilleur joueur et meilleur buteur. (…) J’avais eu la chance d’être sélectionné dans le Syli national. Et j’étais parti avec l’équipe nationale en Ukraine pour un mois de stage. Là-bas aussi, j’avais reçu un trophée de meilleur buteur. D’Ukraine, on m’avait envoyé Timisoara en Roumanie pour faire une publicité de 30 minutes pour une grande société de téléphonie. J’étais le seul africain. Il y avait d’autres footballeurs dont un venu de Barcelone et un avant-centre allemand qui était l’un des meilleurs à l’époque. Après notre stage, aucune défense ne pouvait résister devant moi. Il y avait eu 3 clubs russes qui s’étaient intéressés à moi. Je ne regardais pas l’argent. J’étais animé par le patriotisme. Je suis revenu à Conakry. J’avais choisi de rester à Horoya et à l’équipe nationale. Nous avons joué un match amical contre le club ivoirien Stella club d’Abidjan. J’avais marqué deux buts par tête. Le club s’était intéressé à moi, mais j’avais préféré rester en Guinée. En ligue des champions,  nous avions joué contre les nigérians. J’étais très malade ce jour-là, mais j’avais risqué. Un dirigeant nigérian s’était intéressé à moi.  Il m’avait pris dans son avion avec Peter Rouffé  et Chofoloé et un autre défenseur pour me convaincre de jouer pour son club. Il était venu en Guinée pour me recruter, mais je n’avais pas voulu. Je ne jouais pas pour de l’argent, sinon, je serais riche aujourd’hui. Par patriotisme, j’ai toujours contribué au rayonnement du football guinéen en offrant des équipements sportifs à l’équipe nationale et au Horoya.

En quelle année, vous avez raccroché le football professionnel?
Le football c’est ma vie. Je ne le raccroche jamais. Quand Titi Camara était ministre, il y avait un officier supérieur de l’armée qui avait proposé qu’on me fasse revenir dans l’équipe nationale. Il disait que Malbanga est un grand buteur comme Roger Milla au Cameroun, Zidane en France. Une grande partie du peuple était derrière moi. Je m’entrainais bien et j’étais en bonne forme. Je remercie beaucoup mon ami Morlaye Soumah Colovati qui avait encouragé l’entraineur à me sélectionner. Mais comme vous le savez, la Guinée est un pays tellement gauche, j’étais tellement motivé à revenir renfoncer l’équipe à la Can au Gabon. J’avais promis devant Dadis de marquer pour la Guinée si on me faisait jouer. Je ne blaguais pas. Marquer de but est un don que Dieu m’a accordé. Mais si c’était un charlatan qui avait dit qu’il pouvait donner un but au Syli, ils allaient lui donner un étage.

Ce fut une grande déception pour vous de n’avoir pas été sélectionné?
Une grande partie du peuple avait confiance en moi parce que les gens étaient convaincus que si je jouais, j’aurais marqué.  Salam Sow m’avait également beaucoup encouragé et je l’en remercie. C’était anormal qu’on laisse quelqu’un qui s’est sacrifié pour son pays. C’était anormal de ne pas me sélectionner. Je n’avais ni besoin de salaire, ni de prime. J’étais animé par le patriotisme. Dans beaucoup de pays, les autorités sportives avaient fait revenir les anciens joueurs pour renforcer l’équipe nationale. Le refus de me sélectionner ne m’avait pas découragé. Même à cent ans, si on me laisse jouer, je vais marquer.   

Vous avez joué. Vous avez marqué. Vous avez obtenu des trophées.  Vous avez donné toute votre vie au football, mais est-ce qu’en retour, il vous a rendu heureux?
Je suis heureux de mon histoire, de mon palmarès. Si je n’ai pas des possibilités, je ne vais pas forcer la situation. Dieu est grand, peut-être qu’un jour quelqu’un sera reconnaissant envers moi pour me faire revenir dans le staff pour que je puisse partager mon expérience à la jeune génération. Dans aucun pays du monde, je n’ai jamais vu un meilleur buteur aussi délaissé que moi. J’ai toujours espoir. On ne fabrique pas l’histoire. L’histoire est toujours là. Malbanga est le meilleur buteur du championnat, 3e meilleur avant-centre africain, le seul ballon d’or national. Malbanga reste toujours populaire en Guinée et à l’extérieur. J’aime que les gens reconnaissent ce que Malbanga a fait pour son pays. Je ne demande pas une grande fortune, il faut quand même penser au meilleur buteur. Actuellement, le football évolue avec les footballeurs. Ce sont les grands joueurs qui dirigent le football aujourd’hui. Mon rêve c’est de devenir un jour un grand dirigeant du football guinéen.

 Parvenez-vous quand même à subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille?
Dire qu’on est misérable c’est trop dire. C’est honteux de raconter certaines choses. Mais vous savez ce qui se passe en Guinée. Ici, c’est les médiocres qui en profitent. On ne peut parler du football guinéen, toute génération confondue, sans parler de Malbanga, Fodé Caréca, Salam Sow, Oumar Conté, Tonton Naby Laye, de Titi Camara, Sékou Oumar Dramé Mendy, Tomy Sylla, Oularé, etc. Mais, il est dangereux pour un pays d’oublier ses anciens gloires. Cela fait mal surtout un buteur, un ballon d’or. Je prie Dieu de me permettre de réaliser pour que quand mes enfants vont rentrer d’Europe, je puisse leur présenter quelque chose.

Est-ce que vous avez fait part aux dirigeants votre disponibilité?
Je suis toujours disponible pour mettre mon expérience footballistique au service des enfants. Un meilleur buteur ne doit jamais être abandonné. Soit il est directeur sportif ou membre de la fédération. Je prie Dieu pour qu’on pense à moi.

Mais est-ce que vous avez mené des démarches?
Non ! je ne peux pas faire des démarches pour ça. Je suis connu. Ils n’ont qu’à penser par eux-mêmes et puis prendre l’initiative. Ça me fait mal de voir certains qui se font connaisseurs du football guinéen alors qu’ils n’en savent rien. Quand j’y pense, parfois, j’ai des maux de tête. En Guinée, il faut passer à gauche, à droite et accepter d’être trainé dans la boue pour réussir. Alors, moi, je préfère garder ma personnalité et ma dignité.

Pourquoi n’avez-vous pas tenté une carrière d’entraineur. Peut-être, cela vous aurez ouvert des opportunités?
Quand j’étais en Belgique où je jouais dans un club Flamand, j’entrainais les enfants les mercredis. Ici les gens sont méchants. Ils embobinent le gens en disant qu’il faut faire la formation. Je connais tous ceux qui sont dans la Fédération, mais Dieu voit tout.

Votre plus beau souvenir?
Je me souviens du but que j’ai marqué à Nzérékoré contre l’Ask qui avait permis à Horoya de gagner la finale. C’est ce but qui m’a propulsé davantage. Il y avait une tension. Il y avait de risque de jouer le match au Stade du 28 septembre. Donc, le président Lansana Conté avait pris la décision de délocaliser le match à Nzérékoré. Ce jour-là, si on ne gagnait pas, on était tous cuits. C’était un véritable derby.

Votre plus grande déception en matière de football?
Le refus des autorités de me sélectionner pour la Can au Gabon alors que le peuple m’avait réclamé. L’entraineur, lui-même, m’avait remis les équipements d’entrainement. Il m’avait dit entraine-toi.

Quel regard portez-vous sur le football guinéen?
Notre football a un problème d’organisation. Ce n’est plus l’expérience de Titi, de Malbanga et autres… Nous devons nous référer des autres pays où le football évolue. Malheureusement, on est méchant entre nous, sinon, l’équipe nationale c’est pour tout le monde. Chez nous, Horoya est le seul club qui se propulse. Chez les arabes, vous allez voir 3 à 4 clubs en demi-finale.

Quelle recommandation faites-vous?
Il faut que les dirigeants actuels acceptent d’impliquer les anciennes gloires dans la gestion de notre football.

Un mot pour clôturer cet entretien.
Je souhaite bonne chance à tout le monde et prompt rétablissement à tous mes amis malades. Je prie Dieu de mettre fin à cette épidémie de Covid qui fait des victimes à travers le monde.

 Réalisée par Abdoul Malick Diallo

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