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Par Aissatou Chérif Baldé, journaliste-politologue: Avec le système Condé, tout change pour que rien ne change

Une autre forme de contestation doit-elle naître en Guinée, pour mettre fin au régime kleptocrate à Conakry ? Depuis l’Allemagne Aissatou Chérif Baldé donne des pistes de réponse.

La recrudescence des compromis politiques qui ont caractérisé le règne de l’actuel président guinéen, a accéléré à mon avis un recul de l’État de droit constitutionnel en Guinée et a d’une part permis au régime guinéen de songer à exécuter son plan du coup d’Etat constitutionnel. La faible crédibilité de la constitution et de la justice constitutionnelle guinéenne , vitrines d’une «démocratie émasculée» voulue et entretenue par le gouvernement actuel, expliquerait cette tendance actuelle. Raison pour laquelle le gouvernement guinéen avec la complicité ou complaisance de l’opposition a osé à travers des dialogues et des accords bafoué en permanence la constitution guinéenne qui est en réalité la norme, qui fixe le statut de l’État et qui assure l’encadrement juridique de son pouvoir.

Et malgré la complaisance de l’opposition à accepter de tels contournement de lois, l’État guinéen n’a jamais voulu assurer l’applicabilité d’un accord politique signé dans un contexte de protection et de retour à la stabilité sociale suite à des secousses observées; comme c’est fût le cas lors des élections municipales, et aujourd’hui avec les élections législatives, tout comme le coup d’Etat constitutionnel prévu le 1er mars 2020. C’est pour vous dire que cet État est juste sans âme et est géré par une classe politique qui ne se soucie point de son évolution positive. Nous avons l’impression que cette situation crisogène sèmant le chaos et le désordre lui profite d’ailleurs. Par ailleurs en analysant la situation actuelle de ce pays nous avons aussi l’impression d’avoir en face que des acteurs politiques qui n’ont pour objectif; que diviser pour régner et un peuple abatardi qui refuse de comprendre que seul leur union permettra à la Guinée de devenir un pays de paix et de prospérité.

En effet, la participation de certains partis politiques satellites, avec une faible taux de mobilisation, met à nu le malaise profond dont souffre la classe politique guinéenne, axé notamment sur l’opportunisme politique, la politique du ventre ; qui constituent les seuls objectifs des leaders de ces partis politiques. De telles attitudes opportunistes antidémocratiques de ces leaders mettent aussi en exergue, l’incapacité des grands partis d’opposition guinéens à mobiliser au delà de leur fief traditionel, à se renouveler et à convaincre. Il faut surtout admettre que les grands partis d’opposition n’arrivent pas à incarner leurs discours. Ils sont loin des standards de partis démocratiques qu’ils prétendent être.

On retrouve les mêmes têtes, à croire que ces partis politiques sont dépourvus d’élections primaires permettant aux militants de choisir si possible une icône représentative. Mieux, on s’accroche surtout sur les clivages et cela retarde l’accomplissement de l’objectif principal de l’action politique qui est d’avoir de l’impact sur la vie des citoyens guinéens. Il est certes évident que les partis politiques souffrent des contraintes objectives parmi lesquelles la nature autoritaire du régime guinéen, la fermeture des médias publics, d’espaces d’expressions, les tentatives de déstabilisation, mais ils devraient nonobstant cet état de fait impérativement se rassembler, se rapprocher afin de trouver un consensus autour de l’alternance et la transition démocratique en Guinée. Et cela passe impérativement par l’acceptation de leurs différences, de leurs divergences afin de parvenir à une alternance voire une alternative démocratique apaisée.

Malheureusement cette union tarde à se traduire sur le terrain et pendant ce temps le président guinéen Alpha Condé en la tête d’un clan mafieux, divisioniste, ethniciste continue avec le même élan, en pietinant les lois de la République, en tuant et opprimant le peuple opposé à son projet de coup d’Etat constitutionnel… Et le FNDC continue avec ses manifestations, où il n’y a qu’une partie de la population guinéenne qui conteste au prix de leur vie, avec un décompte macabre et pour quel résultat ? Et le président Alpha Condé fort de sa stratégie de diviser pour régner, en terrorisant les opposants à son projet maléfique, en essayant d’éradiquer les foyers de contestation enfonce le clou en fixant la date du référendum pour le 1er mars 2020. D’où la nécessité de faire recours à une nouvelle forme de contestation, à l’image du balai citoyen au Burkina Faso, pour étouffer le discours de défiance d’une grande partie de la jeunesse guinéenne tel que « ils sont tous pareils ». Donc une nouvelle forme d’opposition, émergeant de la rue s’imposerait face à ce régime kleptocrate de Conakry, qui va rompre avec les codes classiques de l’espace politique guinéen actuel et avec la société civile guinéenne, en apportant vigueur et fraîcheur. Car pour stopper ce coup d’état constitutionnel, la méthode actuelle des partis politiques et la société civile guinéenne regroupés au sein du FNDC est insuffisante.

Il nous faut un mouvement citoyen transversal qui alie action politique réelle à un positionnement citoyen. L’efficacité de tel mouvement à l’image de « Y’en a marre » au Sénégal, ou encore « Balai Citoyen » au Burkina est avérée: Au Sénégal, lors de la mobilisation du 23 juin 2011, « Y’en a marre » est parvenu malgré la répression policière et la vigilance des services de renseignement, a créé un mouvement massif. Celui ci est parvenu à stopper la modification de la constitution au parlement, qui aurait permis la réélection d’Abdoulaye Wade et assuré le passage du pouvoir à son fils après son départ à la présidence. Cette efficacité est rendue possible parce que ces mouvements citoyens sont systématiquement organisés, hors des partis politiques et les syndicats. Ils n’ont pratiquement ni leaders, ni programme, ni stratégie de prise de pouvoir, les décisions sont prises à l’unanimité non à la majorité, il n’y a pas d’élections de représentants. La démocratie qu’il réclame se trouve donc au coeur de leur fonctionnement quotidien. Et c’est qu’il faut à la Guinée pour éviter que ce peuple continue d’être dirigé par une classe politique qui n’est pas crédible, par sa vacuité programmatique, sa similitude avec les pouvoirs qu’elle combatte, son impossibilité à drainer l’espoir, comme c’est le cas du parti au pouvoir guinéen le RPG du genre « tout change pour que rien ne change ».

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