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Lutte contre les ordures : Conakry, ville inintelligente ?

Ce serait intéressant de demander aux Guinéens où situer le cerveau de la ville de Conakry. Certains pourraient penser au Palais du Peuple où loge la représentation nationale. Ce serait une erreur car le cerveau est un expert en communication.

Voici le décryptage de Lamarana Diallo.

 

 

Dans ce domaine l’assemblée nationale de Guinée est singulièrement inexperte.

Il arrive même que ses deux composantes se boudent et se désertent pendant plusieurs semaines.  Ce que ne pourraient s’autoriser même une seconde, cerveau et cervelet, les deux hémisphères du siège de l’intelligence humaine car la vie s’arrêterait net avec l’arrêt de toute mémoire, de tout mouvement, de toute émotion et de tout langage.

Face aux problèmes courants, aucune réaction ne serait alors possible. Ce serait une sorte de mini-fin du monde dans un petit espace-chef-lieu.

Heureusement que d’autres Guinéens penseraient plutôt à un couple de petites maisons du quartier de Coronthie, l’un des plus anciens mais le plus lugubre, au nord-ouest de la capitale, dans la presqu’ile de Kaloum.

Là-bas se trouve l’intelligence la plus brillante de Conakry que les Conakry-ka appellent affectueusement « le Gouverneur Mathurin ».

Ce Gouverneur sait comment manipuler les mots autoriser et interdire. En effet, il autorise les manifestations et interdit les itinéraires.

Dans cette manipulation, il a réussi à allier les cinq hémisphères de la ville.

A droite et aisément, le maire de Matoto, à gauche et facilement, les maires de Dixinn, Matam et Ratoma, au milieu et en singleton neutre, Mme le maire de Kaloum.

Leurs cerveaux réunis pèseraient 7,8 kg soit un peu plus de six fois le poids moyen (1,3 kg) des deux millions de citoyens de leur municipalité.

Tel un cerveau géant, leur conglomérat, fonctionne comme le siège des émotions en Guinée. A chaque fois qu’ils communiquent ou se réunissent, tout le pays tremble.

Mathématiquement on peut supposer que leur alliance, utilisée dans un autre sens, pourrait arriver à bout des ordures de leur ville commune organisée en cinq communes. Ce n’est malheureusement pas le cas car ces cinq Maires de communes et leur cerveau central sont administrativement inanimés lorsqu’il s’agit du nettoyage des déchets de leur cité.

Ils se prévalent de l’excuse d’avoir été dessaisis de ce domaine par le pouvoir central qui a créé une structure pour leur ravir cette fonction et par la Primature qui organise chaque mois une journée de nettoyage sans résultat.

Le moment est venu d’aider tous ces acteurs à réfléchir pour des initiatives plus intelligentes.

Les Conakry–ka suggèrent que Maires et Gouverneur entreprennent un petit détour aux Pays-Bas, dans la ville la plus intelligente du monde, Amsterdam. De quoi pouvoir exploiter au nom de la ville la plus inintelligente de la planète Terre, les initiatives les plus intelligentes de gestion de l’espace urbain à deux mètres au-dessous du niveau de la mer. Les six voyageurs auraient à s’instruire d’une ville flottante plongée dans l’océan mais totalement maîtresse de ses ordures, des vagues marines et de la pluviométrie locale. Ils auraient su comment créer et entretenir le développement durable dans une cité tournée vers l’usage tous azimuts des énergies renouvelables. Ils visiteraient d’abord le Stade Omnisport d’Amsterdam où ils pourraient observer un demi-cercle de panneaux solaires géants alimentant en énergie son enceinte entière, elle-même pourvoyeuse d’électricité aux quartiers et infrastructures publiques environnants à partir des déchets localement générés.

Un recyclage cyclique qui pourrait tourner la tête d’un citadin venant du bidonville parmi les plus sales du monde.

Les randonneurs de Conakry habiteraient un hôtel du quartier le plus idyllique d’Amsterdam où les bâtiments comptent tous trois niveaux dont le premier, profondément enfoncé dans la mer, porte les autres, le tout flottant dans l’eau comme un immense bateau en vertu du principe bien connu d’Archimède. Ils pourraient explorer les jardins que les habitants des lieux ont inventés pour absorber l’eau des pluies et éviter les inondations. Ils s’émerveilleraient de ces artères, « rues » et ruelles tous en eau salée bordant des habitations jamais éclaboussées et propres en toutes saisons.

Ces voyageurs d’un autre monde verraient de loin les étendues infinies de parcs éoliens, sources d’électricité et symboles merveilleux du développement durable que la Guinée semble fuir à toutes jambes. Ils se demanderaient où vont toutes les ordures produites quotidiennement dans cette immense métropole.

Ce voyage d’étude devrait faire l’objet d’un micro-projet moins coûteux qu’une manifestation politique. Ses retombées en termes d’initiatives intelligentes pourraient alors concrétiser l’un des rêves du Champion des énergies renouvelables de l’Union Africaine.

A condition que les bénéficiaires aient pu en tirer les meilleures idées de projets pour leur ville qu’une journaliste burkinabé et le Président turc ont avouée, sans se concerter, ne pas reconnaître comme faisant partie des villes-capitales. La Burkinabé était venue à Conakry et avait exprimé sa déception après des années de gestion du pays par le Général Lansana Conté ; le Président Erdogan a fait sa confidence au Président Alpha Condé plusieurs années après la visite de la Burkinabé sur fond de longue et âpre mise en œuvre de la politique du changement.

Ce voyage d’étude pourrait-il bouleverser la conception et la culture urbaines en Guinée et faire de Conakry, l’Amsterdam de l’Afrique ?

Les atouts naturels existent pour ce faire ; il reste la conscience et le sursaut politiques. Ceux-ci pourraient survenir par une simple autorisation de Sékhoutouréya à monter le projet au Petit Palais de la Colombe et à le financer en prélevant quelques petits milliers de dollars des fonds du potlatch sino-guinéen ou dans le cadre de l’exécution du PNDES en cours.

Cette idée de projet vient des citoyens des périphéries de Conakry pour contribuer à sortir les autorités municipales de leur torpeur et indifférence managériales face aux saletés qui jonchent leur espace urbain. Enfin les ordures seraient définitivement boutées hors de la capitale la plus difficile à gérer que l’humanité ait encore connue.

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