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Facinet Touré, une autre leçon de la nature humaine

Le Général Facinet Touré, décédé le lundi 14 juin a rejoint sa dernière demeure ce jeudi 17 juin 2021 au Cimetière de Kameroun à Conakry. Le Président Alpha Condé, présent à la levée du corps à la morgue de l’hôpital Ignace Deen, et de nombreux Guinéens ont tenu à exprimer leur solidarité et partager la compassion de sa Famille. 

Mais, quelles leçons inspirent encore le parcours et la vie de cet officier supérieur de l’armée Guinéenne dont il a été l’une des premières recrues à sa création, le 1er novembre 1958, qui a assumé de hautes responsabilités étatiques et qui, dans la solitude de la maladie et de l’impuissance, s’est vu contraint à lancer un SOS pour se soigner ?

Si le Général Lansana Conté, désigné Président de la République par la junte le 05 avril 1984, a été le grand sinon l’unique bénéficiaire de l’avènement du CMRN et de l’Armée Guinéenne au sommet de l’Etat, il ne serait pas inexact de dire que le Général Facinet Touré demeure l’image sinon l’homme du 03 avril 1984. Tout au moins en ces débuts. Le fait d’être presque le dernier à passer l’arme à gauche sur la longue liste  des dignitaires du CMRN pourrait paraître très significatif.

D’abord, annonceur de la prise du Pouvoir par le CMRN et de tous les autres Communiqués allant dans le sens de la consolidation de cette nouvelle donne de la vie politique Guinéenne notamment la publication de la liste du nouveau Gouvernement, il a été le premier élément de la junte à s’afficher ouvertement et à se faire découvrir à la Guinée et au monde. Ainsi, du 03 au 05 avril, il a paru, pour de millions d’auditeurs et téléspectateurs, comme le nouveau Maître de la Guinée d’autant que seules sa voix et son image constituaient les seuls éléments audibles et visibles de la grande muette qui venait de faire irruption sur la scène politique nationale en barrant la route de la succession constitutionnelle au Premier ministre, Dr Lansana Béavogui.

Abdoulaye Condé, journaliste

La qualité de la lecture et la grande maîtrise de soi durant cet exercice de tous les sacrifices ont révélé un Officier de caractère avec un excellent niveau intellectuel que le Guinéen ordinaire ignorait chez ses hommes en uniforme.

La réussite du coup d’état dans lequel il aura joué une partition déterminante, la proximité avec le nouvel Homme fort du pays, le Général Lansana Conté qui a tenu à le garder à la présidence comme son « Secrétaire  » ainsi que sa forte personnalité ont conféré au capitaine Facinet Touré la réalité du pouvoir et de nombreuses possibilités au cœur de la haute sphère du nouveau pouvoir donnant lieu à toutes les sollicitations. Surtout entre le 03 avril 1984 et le 22 décembre 1985.

À la présidentielle de 2010, après s’être pleinement engagé derrière le Président et candidat de l’UFR, Sidya Touré, classé 3ème au premier tour, Facinet Touré, devenu grand notable de la Basse Côte, accepte, à la demande de nombreux chefs religieux et cadres de la Région côtière notamment du Président et candidat malheureux du GPT, Ibrahima Kassory Fofana à la même élection et qui a immédiatement rejoint sans accord préalable le Président et candidat du RPG, de soutenir le Pr Alpha Condé au second tour. Si, la mutation n’a pas été facile pour Facinet Touré ( il a réprimandé Mme Makalé Traoré quand il a découvert cette dernière à la télévision comme Directrice de Campagne), il faut noter, qu’au second tour, il a été l’épicentre de la campagne du Candidat du RPG au niveau de la Basse Côte dont il a réussi à fédérer ses cadres, notables religieux, sages et son monde rural derrière Alpha Condé.

Son domicile à Nongo, où le candidat du RPG-Arc-en-ciel était très fréquent, est devenu le lieu d’où partaient les discours et consignes pour les villages et Mosquées des préfectures et sous-préfectures et villages de la Basse Côte. À la limite du regret d’avoir soutenu Sidya Touré ou de ne pas s’être aligné dès le 1er tour derrière le candidat du RPG, Facinet Touré, qui l’appréciait peu, était devenu un fervent supporter, un grand admirateur d’Alpha Condé qu’il couvrait constamment d’éloges devant ses adeptes et visiteurs :  » Alpha a totalement changé, quand il rentre ici, il est très respectueux, s’assoit sur le tapis, il s’est très modéré et pacifié. C’est lui qui me calme souvent à chaque fois que je m’énerve et que j’ai envie de monter au créneau ou d’en découdre … « .

À vrai dire, le Maître « des alliances stratégiques et alliances tactiques » n’est pas un va-t-en guerre.
Comme, en 1993 dans la cour de son domicile de Mafanco, face à des militants surexcités prêts à prendre la rue après la proclamation des résultats de la présidentielle, quand il a crié :  » Que nul n’occupe la rue, je suis pas venu gouverner les cimetières », Alpha Condé ne supporte pas les problèmes.

Toujours est-il que Facinet Touré,  qui le découvre, est totalement conquis. Comme le clamait, à juste titre, le Candidat et Président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, le second tour de la présidentielle de 2010 était véritablement une autre élection où toutes les méthodes et tous les moyens ont été mis en œuvre pour son échec. Toutes proportions gardées, l’élection du Président Alpha Condé en 2010, était pour Facinet Touré un second 03 avril 1984.

Dans les deux postures de puissance étatique, l’ancien officier Militaire de l’École Normale Supérieure de Maneah,  que personne ne fréquentait, est devenu, comme c’est la règle en Guinée face au pouvoir et à l’argent, l’homme le plus sollicité, envahi et même harcelé par l’opportunisme dont sont champions des cadres flagorneurs, laudateurs et démagogues qui peuplent la Guinée en surgissant dans sa vie comme des connaissances de toujours ou des parents qui se découvrent.

En 2010 comme en 1984, sa résidence était un véritable lieu de pèlerinage pour tous ceux  qui couraient derrière les ors de la République. En 2010, il avait la responsabilité de proposer, parmi  les cadres côtiers, le nom du futur Premier ministre au nouveau Président de la  République. Une position qui crée forcément des courtisans. Il en a aidé des milliers.

Ministre des Transports et Travaux Publics, il effectua, entre 1988 – 89, une mission de travail à Oslo avec de nombreux cadres des 2 départements. Et quand Facinet Touré, lors du dîner offert par les autorités Norvègiennes et les partenaires de GUINOMAR à la délégation ministérielle, demande du lait frais au serveur, tous ses accompagnateurs, à la notable exception de l’ancien ambassadeur en Italie, Abel Sandouno qui sollicite une bouteille de vin, l’imitent et exigent le liquide nutritif blanc opaque sécrété par les glandes mammaires des mammifères. Mais, aussitôt le ministre retiré, collaborateurs se ruent vers la table de service pour s’adonner au liquide inflammable de 90 degrés.

Quelques jours seulement après la prise du pouvoir par le CMRN, un ancien dignitaire du PDG, secrétaire fédéral démis, qui avait donné le nom du Président Ahmed Sekou Touré à son nouveau né, a refait le baptême et remplacé le prénom Ahmed Sekou par Facinet. Comme lui, ce sont des centaines de Guinéens, opportunistes en grande majorité, qui ont donné le nom de Facinet à leurs enfants.

Mais, ce Facinet Touré s’est toujours retrouvé seul, isolé, abandonné par ces nombreuses personnes qui ont bénéficié de son aide ou de sa bienveillance à chaque fois que les opportunistes ont constaté une position de faiblesse chez lui, ne pouvant plus leur être utile dans leur course effrénée vers des positions favorisant la domestication des biens et ressources du pays. C’était le cas au moment de la séparation et de l’opposition à Lansana Conté, il en a été de même depuis la brouille avec Alpha Condé,  jusqu’à être obligé de lancer un SOS aux bonnes volontés sur pour faire face à ses problèmes de santé.

Qui l’eût cru que le destin de cet Officier, acteur majeur de la prise du Pouvoir par l’armée en 1984, ami proche du Président Lansana Conté et par conséquent membre puissant et très influent du CMRN, plusieurs fois ministre, que ce notable déterminant dans l’implication de la Basse Côte dans la campagne et la victoire du Président Alpha Condé en 2010 aurait frisé la mendicité ?

C’est dans cette solitude qu’il a dû ruminer sa déception jusqu’à son dernier souffle. C’est dire que dans la vie, rien n’est définitivement acquis. Toujours est-il que le cas de Facinet Touré reste une autre leçon de vie devant inciter à la prudence et à la lucidité. Si l’ingratitude n’est pas de nationalité guinéenne, elle possède en Guinée une permanente résidence.

Par Abdoulaye Condé, journaliste

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