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Guinée : Le lundi de tous les risques Appel à l’unité, à la résistance pour la sauvegarde de la nation

Malheureusement cette situation n’est pas très étonnante au regard de notre passé. Nous avons donné la voie à l’Afrique et à beaucoup de pays anciennement colonisés mais nous n’avons pas su garder notre voie. Nous avons été un exemple, mais à force de mauvaises orientations, de décisions inadaptées nous n’avons pas su honorer à sa hauteur le seul exemple que nous avions donné au monde. Notre vote historique au référendum du 28 septembre 1958 : le «Non» retentissant qui a ébranlé le système colonial et marqué les peuples et les nations.

En multipliant les erreurs, les ratés, les rendez-vous manqués, nous sommes allés de mal en pis de 1958 à nos jours : à ce jour où clapotent ces mots sur mon clavier. Nous avons sacrifié aux orties bien d’espoirs pour amasser une chaine indéfinissable de déceptions. Aussi loin qu’on se projette en arrière pour appréhender notre histoire, on a l’impression que nous n’avons fait qu’un seul saut : du samedi 27 septembre 1958 au dimanche 28 septembre, jour de notre accession à la souveraineté. Dès le lendemain, nous nous sommes empressés d’enterrer la liberté pour laquelle le peuple s’est battu. Bref, il n’est pas exagéré de dire que 61 ans après la réalisation de nos rêves et espoirs se fait attendre. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Nous avons souhaité un guide éclairé à la tête de notre jeune nation et obtenu un illuminé. D’indépendance voulue, nous avons récolté un enfermement, une sorte de goulag à l’africaine.

De la domination du colon nous sommes passés à la soumission à nos frères, à nos compatriotes. Les premiers avaient une seule fesse sur le fauteuil, les seconds sont arrivés pour s’installer durablement. De la République civile, nous avons atterri à la République des bidasses. Nous avons élevé les médiocres au plus haut sommet de l’Etat et mis sous terre les résistants, les indomptables filles et fils de Guinée. Nous avons poussé le bouchon jusqu’à fêter dans la joie les arrestations, les dépositions et les pendaisons publiques de bon nombre de nos vaillants et vaillantes ainées. Paix et Miséricorde à leur âme. D’une République souveraine, nous avons installé des républiques bananières sous lesquelles nous n’avons cessé d’applaudir nos dictateurs.

Du responsable suprême, nous sommes passés au président paysan. De ce dernier, nous avons intronisé un capitaine sorti de nos tanières pour l’installer à la magistrature suprême. De ce fait, d’un président élu à vie au nom d’un parti, un candidat, sous le parti-État, nous sommes arrivés à une présidence kaki ad vitam aeternam. D’un capitanat présidentiel, pseudo-putschiste et éphémère, nous avons cru à une transition généralissime. Toutes les nations ont eu leurs présidents de la République, nous avons, quant à nous, intronisé des représentants de l’ethnie au fauteuil présidentiel.

A-t-on eu, ne serait-ce qu’une seule fois un président qui s’identifie à la République ? Toutes nos présidences ont instauré et entretenu ce vocable, oh, combien de fois dévastateur : «les Malinkés au pouvoir, les Peuls au pouvoir, les Forestiers au pouvoir, les Soussous au pouvoir ». Parfois on emploie carrément l’affirmatif : « ce sont les malinkés qui sont au pouvoir », etc. A quand le Président de la République qui n’aurait comme seule et unique identité que la République à l’exclusion de toute référence ethnique ? Nous avons payé chèrement le prix de la tribalisation et de l’ethnisation de la République. D’assassinats et de meurtres anonymes dans les geôles de Boiro et ailleurs, nous sommes passés aux massacres en masse le 28 septembre 2009.

Et n’oublions pas les prémices qui s’étaient annoncés lors des massacres du pont du 8 novembre le 27 janvier 2007. Finalement, quand d’autres ont connu des hauts et des bas, nous sommes allés du bas au bas-fond. Du coup, nous n’avons cessé de nous enfoncer en enchainant les paradoxes et les déceptions. Si aujourd’hui nous sommes sur la voie de passer d’un président élu pour deux mandats à un président démocratiquement élu à vie, nous revivons tout simplement le poids des démons des présidences à vie antérieure. La tentative de remettre en cause la limitation du mandat présidentiel est finalement une manière pour M. Alpha Condé de faire renaitre l’une des innombrables têtes de l’hydre que nous avons voulu couper sans jamais y parvenir. Oublie t- il seulement qu’un de ses prédécesseurs avait tenté le diable en 2009.

Il est bien connu que de nouvelles constitutions, comme celle avec laquelle on bassine les Guinéens ont enfanté des présidences qui, de troisième mandat ont conduit, à une mandature illimitée. Bien de pays africains nous en donnent l’exemple : le Congo-Brazza, la Guinée Équatoriale, le Cameroun et naguère le Zimbabwe et le Soudan. C’est un tel danger qui nous guette. L’ombre des désastres évités de 1958 à nos jours et qui ont conduit la nation au bord de l’implosion en 2009 plane à nouveau sur la Guinée. Le temps, comme disait le poète, semble avoir suspendu son vol. Et nul ne saurait dire la nature du vent qui soufflera à son envol le lundi 14 octobre 2019. Heureusement que les forces vives, aujourd’hui le front national pour la défense de la constitution (FNDC) et le peuple de Guinée sont en éveil. Notre souhait est que nous ne passions pas du lundi macabre de septembre 2009 à un nouveau lundi ensanglanté.

Nous n’aimerions pas que ce lundi du 14 octobre 2019 inscrive en lettres de sang d’autres souvenirs macabres dans nos mémoires. Nous espérons tout simplement que les souvenirs écarlates de 2009 ne soient pas alourdis par de nouvelles larmes de notre peuple. Cependant, nous n’en sommes pas très loin car les sirènes que l’on entend aujourd’hui du côté du pouvoir guinéen rappellent à bien des égards la logorrhée verbale des chevaliers de la junte de 2008-2009. Incontestablement, le spectre du coup d’État dans les rangs du pouvoir font écho aux menaces des extrémistes du CNDD. Disons-leur, s’il y a un risque de coup d’État comme ils le prétendent, ils en sont les instigateurs.

Ceux-là qui menacent sur les ondes, intimident par le biais des réseaux sociaux, agitent toutes sortes d’épouvantes sont les vrais porteurs de cet éventuel coup d’État. En voulant une nouvelle constitution alors que l’actuelle ne souffre de rien et d’aucune faille, ils veulent jouer un coup. Ils l’appelleront comme ils l’entendent : coup d’État, coup de poings, coup Ko (en retour d’ascenseur) peu importe. C’est leur coup. Ils veulent se débarrasser du vieil opposant qui, à force de résister à tout finit par croire qu’il ne peut exister que dans la résistance. Mais un dirigeant qui s’aliène la majorité de son peuple, le vrai détenteur du pouvoir, ne saurait se réclamer son représentant légitime. Qu’ils comprennent que vouloir rendre illégitime la constitution actuelle, c’est rendre la présidence de M. Alpha Condé tout aussi illégitime en ce sens qu’il a été assermenté là-dessus par trois fois. En prenant en compte l’omission d’une expression substantielle qui l’a obligé de reprendre le serment devant la cour constitutionnelle à la présidence. En d’autres termes, la constitution de 2010 est légitime, viable et valable, soit, elle ne l’est pas. Dans ce cas, il faudrait en faire la lecture et libérer le fauteuil présidentiel. En somme, on ne peut pas dire aux Guinéens que la greffe est plus authentique que le tuteur duquel elle a été sectionnée. A moins de nous prendre pour ce qu’on n’est pas. Les francs-tireurs qui voudraient pousser Alpha au pire comme certains d’entre-eux l’avaient fait à Lansana Conté et à Moussa Dadis sont les ennemis du peuple et les vampires de la démocratie. M. Alpha Condé serait bien chanceux s’il leur échappait.

N’est-ce pas qu’ils l’enferment depuis son élection en 2010 et l’ont coupé du peuple de Guinée ? En l’éloignant du peuple dont il n’avait de connaissance que livresque, ils ont préparé son échec. Désormais, ils trament sa fin politique, lui qui semble toujours avoir vécu dans le fantasme d’un peuple soumis pour avoir minimisé ses phases d’éveil. Double victime, victime de son entourage, des vampires budgétaires, des ogres qui se nourrissent de son pouvoir et qui l’ont accaparé, le président guinéen risque fort bien de couler par la trahison de certains : ceux-là mêmes qui s’affichent comme ses défenseurs.

Qui pourrait nier qu’en cas de répression des manifestations qui s’annoncent ce lundi, que le seul responsable serait M. Condé ? Dadis ne vit-il pas cloitré à Ouaga alors que ses prétendus fervents défenseurs d’hier se la coulent douce aux plus hautes marches du pouvoir ou de l’administration? Le président guinéen ignorerait- il que l’ami qui te pousse au sommet l’est jusqu’au moment où il te dira qu’au-delà de la cime il y a des branches ? Ne devrait-il pas savoir que lorsqu’on a atteint le sommet on redescend par l’intelligence qui nous a aidé à monter ? Au cas échant, il n’y a que la chute. Il n’est point besoin d’accuser la société civile, plus particulièrement le (FNDC) ou un quelconque parti politique : UFR ; PEDEN ; UDG ; UFDG, etc. Les vrais acteurs de ce qui risque d’arriver si le pouvoir se montrait répressif le 14 octobre seraient les responsables du parti au pouvoir : le RPG, ses affidés et le gouvernement. En jouant avec le danger qui menace, ils deviennent des dangers pour la cohésion nationale, la stabilité politique, la sécurité et la vie des citoyens.

Ils devront de ce fait répondre devant les juridictions internationales. Ces personnes qui pensent qu’il n’y a plus de place à Ouaga car leur voisin risque d’être encombrant, devraient avoir présent à l’esprit que l’ancien président ivoirien et ses amis ont libéré des cellules ailleurs. L’intégrité physique et morale des leaders de l’opposition, des responsables de la société civile, des citoyens et citoyennes sont entre les mains des donneurs d’ordres et les exécutants des jours à venir. Qu’ils soient avertis que l’impunité relève désormais du passé. Qu’ils sachent que le peuple de Guinée qui manifeste lundi 14 octobre 2019 ne fait qu’exercer son droit. Qu’ils prennent garde et sachent que toute atteinte à ce principe consacré par la constitution risque d’ouvrir une nouvelle phase qui ne serait pas celle d’un troisième mandat. Par conséquent, le mandat, en cas de répression, ce serait celui des juridictions internationales devant lesquelles ils devront répondre.

Lamarana-Petty Diallo

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