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La date pour les élections législatives fixée au 28 décembre 2019 Un deal de rattrapage imposé au forceps

Alors que le processus électoral est en panne technique, et que tout semble impossible de tenir un scrutin transparent, juste et équitable dans le courant de cette année, le président de la Ceni, Me Amadou Salif Kébé tient à sa date et le régime Alpha Condé à son rendez-vous du 28 décembre 2019 pour les législatives.

C’est au sortir de ses consultations avec le Premier ministre, Kassory Fofana, au Petit palais, lundi 16 septembre 2019, que le président de la Ceni a assuré que les élections peuvent bel et bien avoir lieu le 28 décembre. «En général, quand la CENI se réunit en plénière, nous travaillons et nous décidons ensemble. Soit nous décidons par consensus ou par voix. Je crois qu’une plus large majorité s’était dégagée pour cette date. S’il y autre chose derrière, je ne saurai l’expliquer parce que je n’ai pas entendu une voix dissonante», soutient Me Salifou Kébé assurant que le chronogramme n’est pas bâclé et que le fichier électoral sera «totalement nettoyé» avant la date du scrutin.

Contrairement à ce que prétendent les commissaires de la Ceni issus de l’opposition, le prés ident Kébé a juré que l’essentiel de travaux de la Ceni a été de mettre en oeuvre les 77 recommandations de l’audit du fichier. «Ce n’est pas aujourd’hui que nous avons commencé à organiser des élections. Ces élections étaient prévues en 2018, elles n’ont pas eu lieu. Aujourd’hui nous sommes en mesure de vous dire que l’élection peut avoir lieu l e 28 décembre. Aujourd’hui, la loi dit qu’une partie de rôle de l’opérateur international est joué par l’État. C’est-à-dire que les kits biométriques, les kits de bureau de vote, le matériel informatique, les isoloirs, les urnes, l’ensemble de tous ces équipements sont fournis par l’État. De nos jours, la Guinée est dotée d’un logiciel de gestion de la base de données. Donc, nous ne voyons pas quelle est l’importance de recruter un opérateur international pour le payer 40 millions d’euros, alors qu’il ne fera plus rien» relativise Kébé.

Parmi les voix dissonantes à ce sujet, celle de l’ancien chargé des opérations à la Ceni et actuel leader du mouvement Nos valeurs communes (NVC). Etienne Soropogui considère les agissements de la Ceni comme «inédits et inquiétants» et la soupçonne de vouloir compresser «de délais techniques et légaux incompressibles». A propos de la révision des listes électorales, Sorogogui rappelle que la loi prévoit que cette activité soit menée dans un délai de 3 mois, du 1er octobre au 31 décembre. «Naturellement, la loi a donné au président de la Ceni d’aller vers l’organisation, si possible, de révision exceptionnelle. Mais le législateur a tenu à préciser que le président, à ce niveau, a la possibilité de décider des dates d’ouverture et de fermeture de la période de révision. Mais, attention ! En octroyant des délais de révision, il doit s’assurer qu’ils sont raisonnables.

Dans le cadre de la révision, le président de la Ceni a fait le choix d’octroyer 25 jours pour la révision du fichier électoral, ce qui est totalement déraisonnable » puisque, ne permettant pas d’appliquer les recommandations de l’audit du fichier électoral, explique Soropogui. C’est certainement là où réside le deal organisé entre le régime et les vrais décideurs de la Ceni. Et pour cause? Le processus électoral en cours est presqu’identique à celui de la présidentielle de 2015. La Ceni d’alors avait établi un chronogramme qui incluait une révision du fichier électoral de 320 jours pour le scrutin du 11 octobre. Malgré ce délai élargi, l’institution électorale avait été prise de court et n’avait pu distribuer les cartes d’électeurs dans certains pays, comme la Guinée Bissau, qu’à la veille de l’élection. La même Ceni avait établi un chronogramme de 120 jours pour les élections locales du 4 février 2018 qui n’avait pas nécess ité une révision des listes électorales.
On avance les yeux bandés …

Techniquement, le chronogramme de 235 jours annoncé par la Ceni le 6 mai 2019, ne permettait pas la tenue du scrutin courant cette année. Cela amène les acteurs du processus à se demander pourquoi la compression dudit délai initialement prévu en 100 jours. Le chef de file de l’opposition soupçonne déjà le régime Alpha Condé d’organiser des élections bâclées dans l’objectif de «s’octroyer une majorité qualifiée à l’Assemblée pour faire passer (le projet de) la nouvelle Constitution par voix parlementaire». Sinon explique Cellou Dalein Diallo, le rapport d’audit des experts du Pnud, de l’Union européenne et de la Francophonie avait identifié 3 millions d’électeurs sans empreintes digitales et 1,6 million sans données biométriques. Pour corriger ces anomalies contenues dans le fichier électoral qui remonte d’il y a 4 ans (en 2015), les experts avaient formulé quatre recommandations fortes.

Notamment, celle qui consiste, au vu des doublons persistants, du nombre de citoyens sans données biométriques et de décédés qui pourraient figurer dans la base de données, à procéder à un contrôle physique de l’ensemble des électeurs. C’est-à-dire que chaque citoyen revienne confirmer ou compléter ses données alphanumériques et biométriques pour qu’il soit maintenu dans la base de données. Pour l’application de cette recommandation, la Ceni a prévu d’installer 3 655 Commissions administratives d’établissements et de révision des listes électorales (Caerle) contre 2203 Caerle en 2015.

«Nous avons dit qu’il faut élargir, parce que nous avons demandé des kits avec les caractéristiques au gouvernement pour que le nombre soit très suffisant afin de parcourir tout le pays en moins de temps. Ce qui nous a même amenés à prendre 25 jours pour le temps de révision des listes électorales», justifie Dr Sory Sidibé, le directeur du département Planification et opérations à la Ceni. Le début de l’opération de révision du fichier électoral est précédé obligatoirement par la mise en place des Caerles et le déploiement des kits. Ce qui n’est pas encore le cas sur le terrain.

Certes, la Ceni a compressé en 45 jours, le délai de révision qui, en temps normal, est fixé du 1er octobre au 31 décembre de chaque année par l’article 17 du Code électoral. Pourtant, des incertitudes demeurent. Puisque du lundi 23 septembre au samedi 28 décembre, il y a 97 jours. Selon l’article 62 du Code électoral, le président de la République doit convoquer les électeurs 70 jours avant le scrutin pour les législatives. Conformément à cette disposition, cette convocation doit intervenir au samedi 19 octobre 2019. Passé ce délai, ces élections ne pourront plus avoir lieu cette année. Mais à cette date, le fichier électoral ne serait pas encore disponible. Supposons que la révision commence ce lundi 23 septembre 2019. Cette opération, compressée en 45 jours, ne finirait que le mercredi 6 novembre. Dans ce cas, comment Alpha Condé va-t-il accomplir son devoir de convoquer le corps électoral à bonne date alors qu’il ne dispose pas encore de fichier électoral révisé et viable ?

Si la Ceni de Kébé et le gouvernement tenu au doigt et à l’œil par Condé tiennent mordicus à organiser à cette date et dans ces conditions d’un fichier problématique, cela équivaudrait à baptiser un bébé avant sa naissance. En d’autres termes, ce serait organiser un marché de dupes dont le seul client attendu serait une opposition qui ne saurait mordre facilement à ce baratin. Toutefois, il n’est pas exclu que cette date soit repoussée comme ce fut le cas de celle des législatives du 28 septembre 2013, qui devaient se dérouler le 29 décembre 2011. La date reportée au 8 juillet 2012 à la suite d’une décision de la Céni, mais en lieu et place de la Ceni d’alors, c’est Alpha Condé qui avait décidé du report sine die de ces élections qui seront annoncées pour le 30 juin 2013, puis à nouveau reportées au 28 juillet 2013.

L’opposition qui protestait dans la rue obtient un accord avec le régime le 3 juillet fixant la date au 24 septembre 2013 alors que la Ceni proposait le 10 juillet. Reportées pour 4 jours, le scrutin est finalement organisé le 28 septembre 2013 en présence d’observateurs électoraux venus de pays qui soutiennent la démocratisation de la Guinée. Ce flash-back prouve à l’évidence que les continuelles valses-hésitations de la Ceni et du gouvernement, ne prêchent pas la vérité d’Evangile dans ce deal de rattrapage irréaliste.

Par Abdoul Malick Diallo

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